En mémoire de PAULIN DERELLE

23 mai 1919 - 25 mars 1945
Paulin Derelle

Perpétuer le souvenir de nos disparus
Liste des pages mémoire



 

Paulin Derelle est le dernier enfant du couple
 Anatole Paulin DERELLE (1882-1947)
et Glossinde ANDRE (1888-1981)

 Après l'Armistice de 1919 , la famille Derelle retourne en Lorraine. Glossinde est enceinte de son dernier fils.
A Joudreville les cités ont été utilisées par les Allemands. Vingt trois logements ont été habités normalement pendant toute la guerre. A partir de janvier 1916, les 307 vacants furent occupés en permanence par les troupes allemandes.

La rue du Pâquis qui avait grandement souffert d'un bombardement en août 1914 vit un groupe de maisons rasé jusqu'au premier étage, couvert de tôles et transformé en cantine. Certains logements endommagés restèrent sans réparations, alors que la partie droite de la rue servit d'écuries, les planchers ont été défoncés ou même brûlés. La plupart des rues servaient de cantonnements.
La rue de Norroy avait pour vocation d'infirmerie des chevaux... Portes et fenêtres étaient utilisées comme bois de chauffage.
Des logements en bois furent démontés en 1915, pour être transportés plus près du front. Enfin l'explosion en 1917 d'un dépôt de munitions qui se trouvait sur le plateau, près de la gare de Joudreville, acheva d'ébranler fortement les habitations


Famille Anatole Paunil DERELLE et Glossinde ANDRE

Maurice    Anatole Paulin         Glossinde      Fernand
Paulin   René    1920     Paulette   Georges

  Entre deux guerres 1919-1939

Pendant le temps de la remise en état, Anatole Paulin, Glossinde et les 5 enfants vont vivre à Norroy-le-Sec chez le grand-père Victor André. Ce dernier raconte et raconte encore à ses enfants, les larmes aux yeux, comment il a été obligé de couper les noyers sur le chemin du moulin de Norroy pour que les Allemands en fassent des crosses de fusil et des hélices d'avion. Parfois un son de trompette réveille les enfants le matin, c'est le berger qui appelle les bêtes domestiques. Chacun ouvre sa porte et chèvres, moutons et cochons suivent le berger dans les pâturages pour la journée.

Bientôt une partie des cités de Joudreville est prête pour recevoir la famille qui s'installe au 49 rue de Valenciennes. Au mois de mai 1919, Glossinde accouche d'un beau garçon qui s'appellera Paulin comme son père.

Paulin, après son certificat d'études, fait son apprentissage en 1935 chez son petit cousin Lucien Camille, boucher à Thil.
Ce métier ne lui plaît pas beaucoup car un jour il se sauve à pied.
Une fois encore Maurice parcourt les chemins et les routes, en moto cette fois, pour le retrouver et le ramener à la maison.
Une autre fois Paulin s'enfuira jusqu'à Paris, chez sa sœur Paulette. Celle ci le renverra le lendemain.
Mais comme il semble être le petit chouchou du père, il ne sera pas trop disputé.
Il quitte alors la boucherie pour la mine du Nord-est
boucherie Thil

Paulin : 2° à partir de la gauche

 La captivité de Paulin Derelle pendant la guerre 39-45

 Paulin a été incorporé le 28.11.1939, puis affecté au 4° régiment de tirailleur Tunisiens le 05.04.1940. Il a été cité à l’ordre de la brigade et décoré de la croix de guerre pour acte de bravoure : « ayant mis sa mitrailleuse en batterie à découvert sur le bord de la route, a assuré dans cette position périlleuse, grâce à son mépris du danger, le repli de 2 canons de 25 ». Il a été fait prisonnier le 16.06.1940 à Ablis à coté de Paris. N° 1785.1835

 Paulin Derelle dépendait du STALAG XIII B de Weiden au nord ouest de Nuremberg, à une vingtaine de kilomètres de la Tchécoslovaquie actuelle, dans les Sudètes annexées par Hitler dès octobre 1938. Il est arrivé en Allemagne le 17.09.1940.

 Les Sudètes

 Les Sudètes occupent une partie du territoire nord-est du quadrilatère de Bohème entre la porte de Moravie et les monts des Géants. Déjà en 1800, elles font partie de l’empire austro-hongrois. La population, de langue allemande, a en vain demandé son rattachement à l’Allemagne en 1919, lors du traité de Versailles. L’époque était plutôt à réduire le territoire allemand et non à l’augmenter après la défaite.

L’idée d’un état rassemblant les Tchèques et les Slovaques commençait à peine à germer dans les premières années du 20° siècle. La première guerre mondiale en permis la réalisation. Les plus modérés envisageaient seulement une autonomie dans le cadre d’une Autriche-Hongrie fédérale. Les plus hardis, songeaient à l’indépendance. La répression s’abat sur eux, la résistance intérieure est passive voir teintée d’humour (le brave soldat Svejk). La résistance active s’organise en France (conseil national tchécoslovaque), elle mène en Amérique une propagande intense auprès de leurs compatriotes immigrés. Bien entendu, personne ne parle des populations de langue allemande.

L’affaiblissement de l’Autriche-Hongrie, la révolution russe en 1917, permettent  l’agitation intérieure : manifeste des écrivains, grèves dans les centres industriels. L’indépendance est proclamée le 28 octobre 1918 par le comité national tchèque.

La délicate question des frontières fut débattue à la conférence de la paix. La délégation tchécoslovaque signa les traités de Saint-germain et du Trianon. Pour des motifs historiques, économiques et stratégiques, le nouvel état engloba des minorités allemandes des Sudètes au Nord-ouest, des magyars au sud, des ukrainiens à l’est. Au total, tchèques et slovaques ne représentaient que les deux tiers de la population (13,4 millions) en 1921. La minorité allemande demanda son rattachement à l’Allemagne, il y eut des soulèvements populaires à Liberec-Reichenberg ; rien n’y fit, les 3,2 Millions d’allemands restèrent dans la Tchécoslovaquie.

 La vie politique fut minée par les rivalités des nombreux partis qui s’affrontaient dans le cadre d’une constitution héritée du modèle français. La question agraire fut très grave : 2000 familles de grands propriétaires (d’origine germanique ou hongroise : deux minorités) possédaient 30% des terres. Pour éviter que les ruraux ne rejoignent l’opposition révolutionnaire, le gouvernement décida d’une reforme agraire. Elle fut appliquée très lentement, du fait de l’influence du parti agrarien d’Anton Svehla qui défendait les intérêts de propriétaires fonciers au prix de compromis avec les catholiques populistes et les socialistes nationaux de Benes. En 1930, seulement 1,5 millions d’ha avaient été redistribués. Les entreprises agricoles importantes ne furent pas touchées par la réforme.

Bien que la république ait garanti les droits des minorités, les Tchèques se sont vu reprocher leur domination par toutes les ethnies, même les slaves. La minorité allemande ne regardait plus du coté autrichien mais vers l’Allemagne forte et pangermanique. En 1933, le parti allemand des Sudètes est crée par Konrad Henlein. Aux élections de 1935, il devient le 2° parti de Tchécoslovaquie. Malgré la prudence du gouvernement et les avertissements des réfugiés venus du Reich, la pression des nazis rendit toute entente impossible et mis en cause l’existence même du pays.

Aux élections municipales de mai 1938, le parti allemand recueille 70% des voix allemandes. Il réclame l’autonomie dans un état fédéraliste. Prague refuse malgré la pression de Paris et de Londres. Une mobilisation partielle est commencée le 21 mai. Hitler réplique en menaçant d’envoyer l’armée allemande. Les anglais proposent une médiation entre tchèques et Sudètes, elle échoue en septembre 1938. Henlein réclame le rattachement au Reich. C’est la crise de Munich, la menace d’une guerre grandit d’heure en heure. Le 30 septembre lors de la conférence de Munich, Daladier et Chamberlain acceptent la volonté d’Hitler et Mussolini, sans l’avis de Prague. Le 1° octobre Hitler envahi les Sudètes. Des dissensions entre Tchèques et Slovaques vont entraîner la création du protectorat de Bohème-Moravie. Les Slovaques, dont un politicien (l’abbé Tuka) avait été condamné par les Tchèques en 1928 lors d’un procès retentissant, se mettent d’accord avec Hitler. Celui-ci envahi la Bohème et la Moravie. C’en est fini de la Tchécoslovaquie.

 
Le Stalag XIII B de Weiden

Situé en Allemagne, à une vingtaine de Km de la frontière tchécoslovaque, ce camp a été construit entre juillet et octobre 1935, comme logement de l’armée allemande. Les premiers prisonniers polonais sont arrivés fin 1939, ils accueilleront les Français. Quelques Serbes, Belges et quelques Américains capturés à St Lo, Bayeux et Cherbourg cohabiteront avec les Français. Sur un effectif global de 20000 prisonniers dépendant de Weiden, 14200 étaient français. Le camp restera un centre de captivité jusqu’au début de juillet 1946. Repris par les américains le 22 avril 1945 (11° division du général H.E. Dager), il sera rebaptisé camps « Pitman ». Les soldats allemands prendront la place des prisonniers alliés libérés.

 Paulin est arrivé au Stalag le 17 septembre 1940. Après un bref séjour au camp, les prisonniers français sont dirigés vers divers Kommandos (Kdo). Paulin est d’abord envoyé dans une ferme à Krondorf, au nord-est d’Eger. C’est une petite ferme familiale avec peu de terre. Elle appartient à Hermann Fritsch. Elle occupe deux prisonniers : Paulin et un polonais, (j’ai retrouvé un Fritsch de ce village qui se souvient du prisonnier polonais avec Paulin).

 Paulin ne peut pas parler français car il est seul. Il écrit à Maurice que son moral baisse, il a envie de retourner en France.  Paulin est finalement renvoyé au Stalag.

 
La relève

L’Allemagne, en économie de guerre totale, réclame 250000 travailleurs au gouvernement français de Vichy en mai 1942. Les travailleurs français sont échangés contre le retour en France d’un pourcentage de prisonniers de guerre. Au stalag XIIIB, 300 prisonniers bénéficieront de la relève. Ces départs vont laisser de l’amertume entre les bénéficiaires et ceux qui restent. En effet, beaucoup veulent rentrer à tout prix. Les choix, réalisés par l’autorité allemande, sont assez arbitraires. Le système évoluera ensuite et l’Homme de confiance pourra établir une liste plus juste. Il tiendra compte de l’âge, de la situation de famille (veuf, enfants à charge etc.). Finalement le premier départ aura lieu le 12 juillet 1943, c’est un convoi de 199 personnes dont 58 issus de la liste de l’Homme de confiance. Un deuxième départ aura lieu en fin 1943.

 La transformation

 Si la relève a jeté un malaise certain chez les prisonniers, la transformation va les diviser. Comme le Relève, la Transformation est le résultat de négociations entre Laval et Sauckel en 1943. L'Allemagne exige encore plus de travailleurs français pour accroître l'effort de guerre. Laval négocie et obtient en échange de l'envoi de jeunes français en Allemagne (STO), la transformation en travailleurs "libres" d'un nombre équivalent de  prisonniers de guerre. Ils peuvent quitter le vieil uniforme rapiécé décoré du "KG" dans le dos, se convertir en civil et toucher, en principe, un salaire identique aux ouvriers allemands. Ils peuvent se déplacer et dépendent désormais de la police et non plus à l'armée. Par contre, ils ne sont plus protégés par la Convention de Genève et risquent d'avoir affaire à la Gestapo en cas d'infraction grave. Sur un effectif global de 20000 prisonniers dépendant de Weiden, 3792 seront transformés avant l'été 1943. Au Kdo 3431, 50 prisonniers refusèrent la transformation. Ils durent supporter les brutalités de Bergman, chef de la police et de son adjoint Hans Mayeer.

 Après quelques mois au stalag à Weiden, Paulin s'aperçoit qu'il ne sera pas relevé, il envisage la transformation. Comment fait-il pour être affecté à Eger, à quelques Km de Krondorf ?

Il arrive à Eger, 30 rue Grabenstrasse dans une entreprise: la Fischer-fabrik. Avant la guerre, c’était une entreprise de fabrication de matériel agricole. En 1942 elle a été reconvertie pour produire des munitions. Andréas Bachmann, bien que serrurier de formation en est le gardien. Il habite avec sa famille, dont une jeune fille dans le bâtiment des bureaux. Une quarantaine de prisonniers français est employée dans cette usine, dont quelques officiers français forts courtois. Les prisonniers habitent dans des bâtiments à proximité, ils sont libres de leurs mouvements. Selon notre informatrice à Bayreuth, la fille d’A. Bachmann aurait eu une fille avec un prisonnier français en 1944 !

En 1943, lorsque l’usine d’aviation est terminée à proximité, quelques uns se portent volontaires pour y travailler.

A la fin de la guerre A. Bachmann reste en Tchécoslovaquie, dans une maison confisquée aux allemands. Pour « éviter » le régime communiste, il s’exile en Allemagne, à Stedten-Bischleben dans la banlieue d’Erfurt.

 Paulin s’est donc porté volontaire, c’est là qu’il a rencontré Jean Forcet de Châteauroux, STO arrivé le 14/06/43. Ils vont devenir les meilleurs amis et le resteront tout au long de cette très longue captivité. Ils puiseront dans cette amitié pour tenir, loin de leurs familles. Paulin ne pense pas qu'il travaille directement à l'effort de guerre allemand. Maurice, son frère, mon père, lui a écrit plusieurs fois pour le mettre en garde contre les risques de bombardement.

 
Les premiers avions à réaction

 La vitesse des avions était limitée avec des moteurs à hélice. Le record mondial de 755,13 Km/h allait être battu en 1944 par le Dornier DO 335 qui avait des moteurs à l’avant et à l’arrière, il vola à 780 Km/h lors de son 18° essai. Mais il était visible qu’il fallait délaisser la piste des moteurs à carburation ou celle de l’hélice.

Dès 1939, un autre mode de propulsion, la réaction, intéresse les ingénieurs. Le principe est simple, l'hélice fait place au réacteur. Ce dernier est constitué d'un compresseur, comprimant l'air dans une chambre de combustion où est injecté le carburant puis brûlé. La détente créée par la combustion du mélange gazeux (air comprimé et carburant) entraîne l’arbre du compresseur, qui auto entretient le procédé. Le flux gazeux éjecté à l’arrière à grande vitesse propulse l'avion selon le principe d'action réaction.

 Le turboréacteur, mis au point par l'ingénieur allemand von Ohain, constitua une avancée technique spectaculaire du régime nazi, et cette nouvelle invention fut immédiatement exploitée à une échelle industrielle. Dès 1941, le développement de turbomachines, turbopropulseurs, turboréacteurs et turbosoufflantes devint un objectif prioritaire et occupa cinquante fois plus de personnel qu'en Grande-Bretagne. À l'inverse des constructeurs Heinkel - associé au motoriste Hirth et Daimler-Benz, qui ne parvinrent jamais à concevoir un moteur à réaction digne d'une production en série, les firmes Junkers et BMW réussirent à mettre au point des turboréacteurs à compresseur axial multi étages.

 Ainsi, le 27 août 1939, à Peenemünde, une base d'essais où seront testés par la suite les V-1 et les V-2, Heinkel fait voler le He-178, un petit monoplace. Erich Warsitz, aux commandes, atteint la vitesse de 700 Km/h D'autres constructeurs s'intéressent au principe de la réaction. Willy Messerschmitt fait travailler son bureau d'études sur un projet dont les plans sont achevés avant le début des hostilités. Mais ce programme n'est pas considéré par l'état-major comme prioritaire.

Après un travail acharné, ces moteurs furent mis en production dans de vastes usines souterraines où travaillaient principalement des milliers de prisonniers retenus en camps de concentration. Entre mars 1944 et la capitulation allemande de mai 1945, quelque six mille turboréacteurs Junkers Jumo 004B furent construits. D'une poussée de 900 kg au niveau de la mer, ce moteur équipa de nombreux prototypes ainsi que deux appareils utilisés par la Luftwaffe. Le turboréacteur BMW 003A était de dimensions moindres et affichait une poussée de seulement 800 kg. Ces turboréacteurs développaient une puissance similaire à celle des moteurs à réaction britanniques de l'époque, mais ils étaient techniquement supérieurs et d'une construction à la fois plus rapide et moins onéreuse. Ils péchaient cependant par leur manque de fiabilité et leur faible durée de vie.

 Le Messerschmitt Me 262

 Le programme d’avion à réaction Messerschmitt rencontre en outre des retards dans son processus de développement, les trois premières cellules étant achevées sans que les réacteurs ne soient prêts. Ainsi le premier vol du Messerschmitt Me-262 intervient-il le 18 avril 1941 avec des réacteurs situés sous les ailes et encore à l'état de maquettes, avec un moteur à pistons de 700 ch. (Jumo 2106) dans le nez. Le deuxième vol aura lieu avec les réacteurs finalisés en novembre 1941, mais toujours avec le moteur à pistons en sécurité ce qui permettra au pilote d'essai de revenir se poser après la panne des deux réacteurs. Ce n'est que le 18 juillet 1942 que le prototype équipé de deux réacteurs Jumo 004 de 840 kg de poussée effectue son premier vrai vol, comme avion à réaction pur, avec Fritz Wendel aux commandes. Le chasseur fut présenté à Hermann Göring le 23 juillet 1943 et le 26 novembre à Hitler en personne. Obsédé par les bombardiers rapides, Hitler a demandé à Messerschmitt si l’avion  pouvait porter des bombes de 500 kg sur Londres. Celui-ci n’osa pas répondre non. C’est alors que furent construits tous les prototypes possibles et qu’un temps précieux fut perdu par l’Allemagne.

Milch, Speer et Himmler prirent fait et cause pour l’avion de chasse, aux côtés du général Galland et d’autres pilotes expérimentés comme par exemple le colonel J. Steinhoff. Sans en référer à Göring ni à Hitler, ils passèrent commande de 20 Me 262. L’avion se montra performant, comme l’atteste le succès du sous-lieutenant Schreiber : tout juste sorti de formation, il abattit en un seul jour 5 avions alliés. Malgré cela, il fallut entreprendre la transformation (bombardier éclair) d’une partie de la série des avions de chasse.

La mise au point va être difficile, notamment du fait de la faible fiabilité des réacteurs et de leur conduite délicate: le temps de réponse d'un réacteur est plus long que celui d'un moteur à pistons et il faut éviter des variations de régime trop brutales, sous peine de connaître un pompage (à coups violents) suivi ou non d'une extinction du réacteur. A l'issue des essais initiaux, une présérie est commandée au printemps 1944. Mais la production de masse va se révéler impossible, en raison des bombardements alliés réguliers effectués sur les usines Messerschmitt à Regensburg. Une partie de la production sera ainsi éparpillée entre plusieurs sites, y compris dans quelques sites souterrains. Avec les problèmes de logistique, la production est ralentie et l'entrée en service du Me-262 est repoussée du mois de mai à l'automne 1944, à la grande satisfaction de l'état major allié, qui craignait les ravages qu'un tel appareil pouvait occasionner.
Malgré cela, le Me-262 sera développé en plusieurs versions, dont les principales sont l'intercepteur Me-262A-1a Schwalbe (Hirondelle) et le chasseur-bombardier Me-262A-2a Sturmvogel (Pétrel).
Ce dernier est construit conformément à la volonté d’Hitler, qui veut développer la conception d'un bombardier éclair
Messerschmitt 262

 Cette exigence ralentira la production d'autres modèles que les pilotes de la Luftwaffe souhaiteraient pouvoir utiliser. Parmi eux, le général Adolf Galland est convaincu de l'intérêt du chasseur Me-262 et, après l'avoir essayé en avril 1944, il note les excellentes performances de cet appareil « poussé par un ange ». La version bombardier, alourdie de bombes logées sous les ailes qui augmentent la traînée, limitera ses performances sur les avions alliés. Le Messerschmitt 262 connaît également d'autres versions, comme celles d'avion de reconnaissance photo, de biplace d'entraînement, de chasseur de nuit biplace, dont les antennes du radar d'interception sont placées dans le nez.

 A la fin de 1944, moins de 600 appareils ont été produits. Le total se montera à 1433 unités vers la fin de la guerre. Ils n'étaient pas en état de voler, manquant de carburant ou n'ayant pas été livrés aux unités opérationnelles. Ainsi, seulement une centaine de Me-262 connaîtront l'épreuve du feu, et dans des conditions très difficiles pour leurs équipages. Les pertes seront lourdes, même lors de vols d'entraînement ou de banales missions. Peu de pilotes sont suffisamment entraînés sur l'appareil, la fiabilité des réacteurs demeure médiocre, quelques dizaines d'heures de vol tout au plus. En outre, la conduite des réacteurs exige une longue approche avant l'atterrissage, dont les chasseurs alliés profitent pour abattre le biréacteur alors sans défense. Cet appareil aura  d'autres problèmes techniques car les ingénieurs n'ont pas eu le temps de le mettre parfaitement au point sous la pression de la guerre. Le freinage est insuffisant, le train avant est trop fragile, etc.

 Le Messerschmitt 262 fut de loin le meilleur appareil utilisé par la Luftwaffe durant le conflit. Long de 10,6m, pour une envergure de 12,5m et un poids de 7 t, il est équipé de deux turboréacteurs Jumo 004B placés sous les ailes. Ce chasseur affichait des performances extraordinaires ; vitesse de pointe 934 Km/h à 7000 m d’altitude, dépassant les 1000 Km/h en piquet, grimpe à 8000 m en 3 minutes et une autonomie de vol de 90 minutes. Son armement dévastateur est constitué de quatre canons MK 108 de 30 mm. Il équipa une escadrille à titre d'essai à partir d'avril 1944 mais ne fut employé au sein d'une escadrille de combat (le Kommando Nowotny) que le 3 octobre.

Il s'agit d'une belle réussite technique avec son aile en flèche, ses becs de bord d'attaque de voilure qui poussera les Alliés à récupérer, à la fin de la guerre, un grand nombre de Me-262 aux côtés d'autres appareils à réaction comme les Heinkel He-162 et les Arado 234. Ainsi, dès 1945, des Me-262 seront évalués aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en France, l'expérience acquise sur le premier chasseur à réaction opérationnel pouvant être mise à profit par les différentes industries aéronautiques.

 Premiers jets à remporter une victoire en combat aérien, peu de 262 seront descendus par la chasse alliée car l'appareil reste hors de portée des chasseurs anglais et américains, avec un bon excédent de vitesse (100 à 200 Km/h. Le Me262 aurait pu changer le cours du conflit s’il avait été utilisé dans le rôle qui lui était originellement assigné, à savoir celui d’intercepteur.

 Certains appareils furent convertis en chasseurs de nuit biplaces équipés de radar. Lorsque les Me 262 furent enfin disponibles en nombres suffisants, il était déjà trop tard: la Luftwaffe connaissait de graves pénuries de carburant et un grand nombre d'aérodromes allemands avaient été rendus inutilisables par les bombardements.

 L’usine d’aviation d’Eger

 Wolfgang Elster, était jeune ingénieur dans l’usine d’aviation d’Eger. Sa carrière dans la FWE a commencé le 1.3.1941, à l’âge de 20 ans. Elle s’est terminée, suite à la destruction de l’usine lors de la quatrième attaque aérienne, le 3 mai 1945. Nous lui donnerons la parole pour la suite de cet article.

 Cette usine est née de l’entreprise Ede et Wiedehold (W u W sur le plan), qui fabriquait des empennages et du centre d’apprentissage qui était là jusqu’à son déménagement à coté du Hall 1, bâtiment L sur le plan

Plan d el'usine d'aviation EGER après les bombardements 1945
Cette photo prise en 1946 montre encore les cratères des bombes larguées par les avions américains


Pour l’époque, l’équipement était de haut de gamme et le programme de formation était très bien conçu. Il me fut demandé de dispenser à nos apprentis, en plus des cours qu’ils recevaient par ailleurs, des leçons en mathématiques, science des matériaux, dessin industriel, lecture du dessin industriel. Des jeunes, intéressés par le vol à voile, étaient instruits près de la piste d’envol. Les planeurs étaient tirés par un câble. Herr Förscht était leur enseignant, mais après son incorporation dans l’armée de l’air, je le remplaçai car je venais de terminer mon monitorat. Après 3 ans d’études, les apprentis, qui n’étaient pas encore soldats, étaient formés au maniement des canons antiaériens. En renfort, ils ont combattu contre les bombardiers qui nous attaquaient. Seulement, les bombardiers volaient trop haut pour les canons de 20 et 37 mm.

 L’organisation de l’usine et des sous-traitants.

 Le plan montre la disposition des bâtiments. Entre les halls 1 et 2, il y avait, en rez-de-chaussée, les stocks, le quai de déchargement des trains qui nous approvisionnaient, le magasin d’outils, les bureaux des dessinateurs et d’autres services annexes. L’atelier de peinture était situé dans la partie sud du hall 2, l’atelier de mécanique était au sud du  hall 1. Entre les halls 3 et 4, se situait la chaufferie et sa batterie de chaudières. A l’arrière, se trouvaient les départements du caoutchouc et du cuir.

 Les principaux sous-traitants étaient l’entreprise Geipel et fils, Asch, l’entreprise Kock de Kock, Oelsnitz/Vogtland, Tefzet, Oelsnitz, ainsi qu’une dizaine de petites entreprises fabriquant des instruments de musique, dans les régions de Gralitz et de Fleissen. Dans les années 1943-1944, il y eut trois grandes filiales dans les protectorats de Bohême et de Moravie : l’ancien tissage, Bohême, Skalic ; l’ancienne raffinerie de sucre, Skrivan ; la caserne des artilleurs, Bohême, Bundweis.

L’atelier de reprographie, l’imprimerie étaient dans les proches environs d’Eger, la photographie était installée dans le château Seeberg. Entre Franzenbad et Asch, une fabrique de tapis fut reconvertie dans la production de profilés de tôle.

Tous les sous-traitants et les filiales recevaient  leurs directives de travail, depuis Eger. Les filiales installées dans les protectorats étaient dirigées par une petite centrale, la SARL Jiri, de Prague, ceci afin de protéger l’anonymat de l’entreprise d’Eger. Le directeur technique était Herr Georg Sander, chef de la défense militaire.

 Conditions de travail

 Le Salaire de référence des ouvriers qualifiés était de 1 DM / heure, pour des semaines de 46 heures et des congés annuels de 12 jours. Les heures supplémentaires et les dimanches travaillés étaient rémunérés selon les conventions en usage à l’époque.

 Les travailleurs civils français logeaient dans des baraques RAD, 2 et 3 sur le plan, à proximité de l’usine. Ils pouvaient se faire à manger, et étaient libres. Les prisonniers de guerre russes travaillaient dans l’atelier de mécanique (machines-outils). Leurs chefs d’équipe allemands veillaient à ce qu’ils reçoivent de la nourriture provenant de notre cantine pour compléter les rations distribuées dans leur camp.

 Dans le bâtiment 1, était la cantine civile qui était accessible à tous. Dans ce secteur, il devait y avoir encore des logements.

 Vers la fin de la guerre, un train d’ouvriers, accompagnés de leurs familles, arriva du nord-est de la Hongrie. Ils travaillaient là-bas dans une usine qui fabriquait des canons.

Le programme des avions de chasse fut lancé en 1943. Le temps de travail monta à 72 heures hebdomadaires et les rations furent augmentées pour tous (saucisson, pain, beurre). A cette époque, toute la compagnie du théâtre d’Eger fut réquisitionnée pour travailler dans l’usine.

Dans la halle 8 (Me 262), tout comme dans l’atelier d’aéronautique, il n’y avait que du personnel allemand, pour des questions de sécurité (sabotage, par exemple par des rivets dans le système hydraulique). La totalité de l’usine, des sous-traitants et des filiales ont occupé plus de 6000 personnes, cela sans compter les filiales des protectorats.

 Le chef de programme était Herr Sauer, le directeur, qui avait pour mission d’obtenir la production mensuelle de 1000 chasseurs, en dépit des attaques aériennes menées contre notre usine. Il dépendait directement d’Albert Speer, qui avait été nommé ministre du Reich après la mort du Dr. Todt. Speer avait en main l’armement, la production de guerre, les voies de communications, l’eau, l’énergie et la distribution des matières premières.

 
Organisation du travail

 Les tâches furent divisées en deux parties :

 - La remise en état des appareils endommagés et la réparation des grands composants (par exemple, la pièce centrale de l’aile du He 111).

Dans le hall 4 avait lieu l’examen de l’appareil et la prise de décision des réparations à effectuer. Toutes les parties endommagées étaient démontées et les directives indiquaient les travaux à effectuer et les fournitures à utiliser. Tout ceci était transcrit, pour chaque cas, sur des cartes perforées communiquées à l’atelier de fabrication, à l’entrepôt des matériaux, à la préparation de l’atelier de montage. Elles étaient fabriquées au département des cartes perforées (système Hollerith) en utilisant un code chiffré. Ce système Hollerith, un précurseur de la fabrication assistée par ordinateur, était utilisé aussi pour contrôler les outillages et les fournitures.

 - Les modifications qui concernèrent le He 111 et le Me 262, étaient préparées de façon similaire, mais les ordres émanaient des services techniques du ministère de l’air.

 
Construction des avions

 Les travaux concernaient le montage des systèmes hydraulique et électrique, de l’armement, du bloc moteur, les travaux de construction du fuselage (travail de tôlerie). Les tôles, les profilés en L, T, U, étaient en alliage d’aluminium, cuivre, magnésium. Leur surface était traitée contre la corrosion. Avant d’être formés, les matériaux et les rivets étaient trempés dans un bain de sel-Durferit à 505 degrés. Les matériaux restaient malléables pendant 6 heures et atteignaient ensuite presque la résistance de l’acier trempé pour une densité de 2,8. Ceci se faisait dans une annexe, entre les halles 1 et 2. Les tôles et les profilés étaient alors formés par exemple par laminage entre des galets ou étirés ou pressés en profilés, vérifiés dans des gabarits afin que chaque pièce puisse être rivetée sans qu’il se crée de tensions. Les rivets étaient utilisés pour les tôles du fuselage et mis en place dans les perforations, depuis l’extérieur, par des marteaux pneumatiques Pour qu’une tête se forme, ils devaient être contenus de l’intérieur par des enclumes. Dans les endroits inaccessibles, des rivets explosifs étaient utilisés. Ils étaient chauffés au fer à souder et l’explosif, par son action, formait la tête du rivet.

Les tôles du fuselage et toutes les autres pièces, comme par exemple les tuyaux du système hydraulique étaient pressés à la forme voulue avant l’assemblage et vérifiés dans des gabarits pour garantir un montage sans tension. Les trous étaient réalisés par des perceuses. Les grands composants, comme par exemple la structure médiane de l’aile, les surfaces portantes ou les portions de fuselage, recevaient la peinture de camouflage. Ensuite, l’aile, par exemple, était montée sur la partie correspondante du fuselage et les moteurs étaient assemblés sur le fuselage. Les armes qui équipaient les appareils (Me 262) étaient ajustées une par une sur le champ de tir et étaient essayées sur des cibles. Le système qui permettait d’actionner toutes les armes à la fois était vérifié de la même manière.

Avant le vol d’essai, le fonctionnement des compas, était testé dans un bâtiment tout en bois (K sur plan). L’avion effectuait un tour complet (360 degrés). Les erreurs pouvaient provenir de petits morceaux de fer perdus lors de la construction ou des aménagements électriques. Elles étaient corrigées à l’aide de petits aimants. Si une déviation persistait sans pouvoir être corrigée, elle était indiquée sur un tableau placé bien en vue dans l’avion. Les appareils devenaient aptes au vol dans l’atelier aéronautique, la « Sängerhalle », comme nous la surnommions. Ce n’était pas parce que le personnel y travaillait en chantant : (il s’agissait de l’ancienne salle de concert, sur la rive gauche de l’Eger, j’y ai assisté au début des années 40, à l’excellente prestation d’un grand orchestre à corde), ni parce que les moteurs y chantaient. Le bâtiment en bois avait été transféré du centre ville, dans l’usine d’aviation, pour augmenter rapidement la surface des bâtiments. Le cas échéant, les avions pouvaient y revenir pour être perfectionnés. En fin de fabrication, une inspection complète permettait de déclarer la réception.

Il n’y eut pratiquement pas d’accidents d’avion. Un HE 111 dû faire un atterrissage forcé dans une prairie des environs d’Eger, mais sans grand dommage. Il y eut des difficultés avec le Me 262, au sujet de la roue avant. Sur quelques appareils, elle a plié à l’atterrissage. Les matériaux  dont elle était constituée, étaient trop légers. L’appareil piquait alors du nez, la queue en l’air. Les avions furent alors équipés d’un nouvel avant construit en tôles d’acier. Le HE 177 prit souvent feu au niveau des moteurs et fut surnommé le « briquet » de l’armée de l’air. Mais chez nous, il n’y eut pas ce type d’accident. Cependant, un équipage qui venait de prendre livraison d’un de nos avions, s’abattit peu après son départ, les moteurs en feu.

Programme de construction

Notre programme était déterminé par l’adjudication des commandes par le RLM. Les diverses firmes se concurrençaient. Notre plus grand concurrent était l’usine d’aviation d’Erfurt, dont le directeur était Herr Kalkert. Avant l’adjudication, les entreprises présentaient au RLM les investissements, le personnel nécessaires, la production, les délais et tout ce qu’il faut pour mener à bien un projet. En 1942-1943, l’industrie aéronautique fut organisée en groupements de travail. C’est ainsi que le montage du HE 111 revint à Erfurt et que nous devînmes entreprise de réparation de la partie médiane de l’avion. Cela se faisait dans le hall 2. Les travaux étaient répartis en 3 catégories : installation de l’hydraulique, des appareils de contrôle et du train d’atterrissage. Le travail se faisait à la chaîne, ce qui était une première en Allemagne. Les volets du train d’atterrissage étaient construits dans le hall 1, tout comme le nez de l’avion. Chez nous, le HE 111 était construit jusqu’à l’opération  H 23.

Heinkel 177
Heinkel 219
He 177. Bombardier, 30 transformations /mois
He 219. Chasseur intercepteur de nuit transformé en bombardier

Dans ce hall, il y avait aussi de petites réparations et montages sur le HE 219, un bimoteur, chasseur de nuit. L’arrivée de cet appareil commença chez nous par un petit accident. Lorsque son nez fut débarqué du train, les Français, toujours très curieux, se sentirent obligés de vérifier le confort des sièges. Mais ils ne savaient pas, que ce chasseur était équipé de sièges éjectables. Je passais justement par là, me rendant vers le hall 3 lorsque je vis soudain deux objets projetés en l’air, hors de l’appareil. Les Français furent un peu choqués, mais nos infirmiers les soignèrent efficacement. Les sièges, hélas, ne ressemblaient plus qu’à deux tas de ferraille. Le vol d’essai du HE 219 eut lieu le 6/11/1942. Sa construction fut rapidement lancée. Cet engin avait pour la première fois un train d’atterrissage avant, un radar et, comme décrit précédemment, des sièges éjectables de série. Il avait deux moteurs DB 603, chacun de 1750 ch.

Le HE 177 arriva dans le hall 8 fin 1942. Les travaux principaux, sur cet appareil, furent : nouveaux ailerons, renforcement des ailes, déplacement vers l’avant des propulseurs (200 mm), allongement de la carlingue (1600 mm), placement de soutes pour les roquettes et les bombes perforantes, extincteurs sur les échappements, modification de l’armement défensif de la partie supérieure du fuselage, modification du réservoir ventral et de la queue. Ces transformations (30 avions par mois) cessèrent en juillet 1944. Les appareils furent mis à la ferraille derrière le hall 3, puis fondus. C’était la fin d’une tragédie. Après les engagements, 26% de ces avions ne revenaient pas. (Pour l’HE 111, ce chiffre n’était que de 5%) Le HE 177 était certes le bombardier le plus moderne, mais sa construction, n’était pas au point et il était trop fragile pour un avion envoyé sur des missions très rudes. Sa fragilité provenait des systèmes hydraulique et électrique. Par la suite, les Anglais allaient nous montrer comme il est facile de construire des avions gros porteurs fiables.
Nous entendîmes un jour le bruit d’un avion étranger. Nous vîmes tourner au-dessus de l’usine, volant de travers, un grand quadrimoteur (Liberator). Il atterrit sur notre piste en béton. L’équipage en descendit et se rendit au chef-pilote Mücke. L’appareil, avec ses bombes, avait été trop endommagé pour pouvoir rentrer sur sa base. Deux hommes étaient légèrement blessés et furent soignés par les médecins. L’appareil fut mis en réparation dans le hall 3 et nous vîmes qu’il était possible de commander un appareil sans la moindre intervention d’un système hydraulique ou électrique. Lorsque l’avion fut à nouveau en état de voler, un équipage du centre d’essai de Rechlin, sur les rives du lac Müritz, vint le chercher. Ce ne fut pas pour la plus grande joie des alliés, mais ils emmenèrent l’avion là-bas, en rase motte (à une altitude inférieure à 200 m). Il y subit de nouvelles investigations.
Modification d'un Heinkel 177 à Eger-Cheb
2 jeunes filles du RAD et 2 hommes : STO, prisonnier transformés ou travailleur déplacé... sur la chaine
Chaine montage He 177

 Vers le milieu de 1944, arriva le Me 262, qu’il fallait modifier en bombardier et ensuite en de diverses versions. Le premier appareil qui arriva à Eger pour être modifié, déclencha l’alarme aérienne en raison du bruit, inconnu jusqu’alors, de ses réacteurs.

 Le programme de travail était le suivant

 - mise en place des soutes à bombes

- fixation de deux appareils photos

- mise en place des soutes à roquettes

 Ces ajouts entraînèrent des modifications du système d’armement (4 canons MK 108 de 30 mm), de la répartition des réservoirs à essence, du blindage.
433 chasseurs Me 262 furent transformés de la sorte jusqu’en avril 1945.

En automne 1944, nous reçûmes la commande d’un He 277 B 5
 (HE 177 avec 4 moteurs non jumelés).  Il était destiné à une mission spéciale et devait être capable de voler très loin.
Il devait pouvoir atteindre les USA avec la bombe atomique allemande selon les spécialistes français. Voir le livre de Rainer Karlsch : la bombe de Hitler, Paris 2007. 

Toutes les armes furent améliorées, les volets du train d’atterrissage furent construits en bois. Un réservoir supplémentaire, de 3000 l lui fut adjoint, dans le prolongement du réservoir ventral, sous le fuselage. Toutes les soutes à bombes reçurent aussi un réservoir. Toutes les plaques de blindage furent épaissies. L’arrière, dépourvu d’armement devint plus aérodynamique.  

He 277, il transportera la bome atomique allemande

La secrétaire du chef de l’usine était alsacienne. Des jeunes filles servaient les repas aux prisonniers à midi dans la cantine B2. La cantine allemande était dans le bâtiment Kt. Il devait y avoir une infirmerie, ne serait ce que pour soigner les français « trop curieux ».

  La localisation du camps de prisonniers

Les 50 fortes têtes du Kdo 3431 sont installées au camp III, vers le Hall 9 derrière la cantine à Louis XI. Une petite baraque de 4 chambres. Une haie de planches la sépare du camp des malheureux russes.
Le Kdo 3497 d’Eger est situé à 300 m au sud de la gare.

Les travailleurs "civils" sont installés dans deux fermes dans le village d’Oberschön (Homi Dvory aujourd'hui) à environ un kilomètre à l'est du centre d’Eger. Tous les STO sont arrivés mi 1943; à cette date, l'usine était presque terminée, la piste d'essai était en cours de travaux, des prisonniers russes y travaillaient. Le camp d'Oberschön est installé dans le périmètre de l'usine, proche du hall 9 et de la piste d'envol.

Camp des prisonniers français

 Des prisonniers polonais travaillent dans l'atelier des essais moteurs. Chaque atelier est séparé des autres, les communications sont interdites entre eux.

« Je revois cette Flug, neuve et entière, dressant ses Halle au sommet de la colline que nous montions en rangs plus ou moins compacts, plus ou moins hirsutes, mais sûrement pittoresques. Les sentinelles nous escortaient avec leur fusil à l'épaule, jusqu'au poste de police gardé par ces Werkschutz, armés eux aussi. Une fois à l'intérieur, chacun gagnait son atelier, son établi, son groupe, son avion et ses Fraulein. La consigne était Arbeit ! Arbeit ! » Souvenirs d'un ancien de Kdo 3431.

Autour et dans la ville de Eger, il y a 6 camps de prisonniers, dont des soviétiques. Dans l'usine d’aviation travaillent également des civils de différentes nationalités, français du STO et d'autres condamnés aux travaux forcés, hommes et femmes.

 Aucun prisonnier français du Stalag de Weiden n’a rencontré Paulin. Aucun STO de la Drome ne connaissait Paulin. Il est donc impossible se savoir quelles étaient ses activités dans l’usine. Il était néanmoins déclaré comme chaudronnier.

C’est Mme Forcet qui m’a confié une photo montrant son mari et Paulin en compagnie d’une jeune fille. La photo montre deux sacs de femme, il est donc judicieux de penser que la deuxième femme prend la photo et quelles ont du alterner pour prendre quatre photos que chaque ami portait sur lui.

Chacun des deux amis avait donc rencontré l’âme sœur dans cette usine. Ces jeunes filles devaient être « Zivilarbeiter » du RAD (Reicharbeitsdienst) pour le régime NSDAP. Elles devaient donner un an de travail pour l’Etat dans un lieu choisi par l’administration. Certaines jeunes alsaciennes ont également été concernées, car considérées comme allemande par les nazis.

Leur rencontre a du être brève et elle est retournée chez ses parents où elle a du accoucher. Personne n’a eu d’informations sur l’enfant né de cet amour.

La secrétaire du chef de l’usine était alsacienne. Des jeunes filles servaient les repas aux prisonniers à midi dans la cantine B2. La cantine allemande était dans le bâtiment Kt. Il devait y avoir une infirmerie, ne serait ce que pour soigner les français « trop curieux ».

JE CHERCHE DONC L'IDENTITE de L'AMIE de PAULIN DERELLE et de l'ENFANT né de cette RENCONTRE

Merci d'avance pour toutes les informations que vous pourriez me partager.
Paulin Derelle et Jean Forcet

Le sac de l'amie de Paulin, l'amie de Jean Forcet, jean et Paulin Derelle


En février 2018, j'ai été contacté par Mr P. Prévot dont le père était à EGER (depuis mai 1943) dans le cadre du STO et qui possédait une photo similaire.

Léon Prevot travaillait dans une épicerie en gros situé en face d’une caserne (aujourd’hui détruite) qui se trouvait derrière l’église Saint-Nicolas (10 Kasernplatz). Son employeur était M. Joseph Hofmann.

Cette photo est prise dans le même cadre, surement le même jour,  en août 1943.

De gauche à droite: la copine de J.F., J.F., Paulin Derelle, Léon Prévot, un chauffeur du camion de livarison de l'épicerie et un collègue du camionneur.

Toute persone qui reconnaitrait quelqu'un serait aimable de prendrecontact avec moi.
J'aimerai bien connaitre la raison de ces photos et bien entendu, les identités des autres personnes qui connaisent peut-etre celui ou celle qui prend la photo....




aout 1943 à Eger  photo de Léon Prevot

Les bombardements

Prévenus par la résistance tchèque, les alliés vont s'intéresser à ce qui se passe à Eger. A partir de février 1945, les avions américains commencent à bombarder, visant les usines d'aviation. Le bombardement du 14 février 1945 a causé peu de dégâts à l'usine car un seul avion a lâché des bombes.

 Le 25 mars 1945, dimanche des Rameaux. Il fait très beau, le personnel, surtout celui des ateliers du nord, se reposait au soleil, sur l’herbe, à côté des pistes de roulement. Il n’était pas dans les abris creusés en prévision de ce type d’attaque

Jean Forcet propose à Paulin d'aller avec lui, par ce temps magnifique, récolter des pissenlits. Paulin se sent fatigué, après ces longues journées de 12 h de travail, 6 jours par semaine, il préfère rester tranquillement à proximité du camp, couché dans l’herbe, sur le chemin qui mène à Oberschön, au soleil du printemps. Jean part seul.

 A midi, six groupes de bombardiers américains lancent une attaque sur Eger, afin de détruire l'usine Heinkel. Une partie de la ville est atteinte et l'usine est entièrement détruite, une partie du camp l'est également par des bombes à fragmentation. Le HE 277 B5 ne fut pas détruit lors de ce bombardement.

Du fait du temps magnifique, la majorité des prisonniers est en pleine nature à proximité des pistes ou sur le chemin des abris situés à quelques centaines de mètres du camp. Sur 420 hommes, 73 sont tués, auxquels il faut ajouter un nombre important de blessés. Paulin est malheureusement du nombre des tués, un éclat de bombe l'ayant touché au cou. Son ami Jean Forcet est sain et sauf. Louis XI est également parmi les victimes, étendu entre la cantine et le camp III.

 Le père Joseph Garnier, qui disait la messe à Altkinsberg est arrivé à grandes enjambées (il avait l'habitude de faire 40 Km à pied le dimanche pour dire les messes dans la région de Eger appelée Kontrol-Bezirk), il part en direction des pistes, jonchées de corps des blessés et de mourants pour apporter communion ou absolution et fermer les yeux des décédés. Des bombes à retardement sont encore sur le sol. Ernest Prudhomme (prisonnier transformé, possesseur des listes des travailleurs du camp Oberschön 1), malgré une blessure aux jambes, va organiser les secours, faire hospitaliser les blessés et obtenir une sépulture décente au cimetière de la ville.

 Les survivants vont enterrer leurs amis, leurs camarades dans une grande tombe commune de 50 m de long située dans la section 18 au sud du cimetière. Les corps sont déposés sur un lit de branchages de sapin. Tous ont une plaque d'identité et leur position dans la tombe a été notée par Marc Allaire de Roudelaix 23700 Auzances, qui a établi le plan de la sépulture. Il travaillait à l'atelier de peinture (au pistolet) de la Flug.

Inhumation par le père Garnier le 28 mars 1945 Tombe commune EGER
Plan de la tombe commune à Eger. Paulin est le n° 1 en haut à droite.
Plaque d'identification fixée autour du cou
Inhumation par le père Garnier le 28 mars 1945

Le mercredi 28 mars, une cérémonie a lieu au cimetière, Le père Joseph Garnier et les survivants prononcent les homélies et chantent " ce n'est qu'un au revoir mes frères"...

Trois autres attaques réussirent, en plus de celle-ci. La plus terrifiante eut lieu à 12 h, le jour de Pâques, puis le 8 avril et le 10 avril.

Le HE 277 B5 était prêt pour la livraison, il était stationné sur la piste pour les essais de réglage du compas magnétique. Il fut réduit à l’état de « passoire ».
A la mi-avril, il devint pratiquement impossible de travailler.

Heinkel 277 détruit par le bombardement Usine aviation Eger apres le bombardement
Le He 277 détruit par le bombardement sur l'aire de réglage du compas magnétique
Batiment central détruit par le bombardement

D'autres photos sont disponibles sur le site tchéque : Fronta.cz

Le personnel devait quitter le travail à causes des alertes aériennes et se rendre, par beau temps, à côté des abris creusés à la lisière de la forêt, vers Pograth. De là, nous avons pu observer 120 bombardiers bimoteurs essayant de détruire le viaduc du chemin de fer sur l’Eger. Probablement les pilotes furent-ils déçus car ils ne touchèrent qu’un seul pilier.

 
La libération

Les combats pour libérer Cheb ont commencé le 24 avril. La 97° division d'infanterie américaine a attaqué au sud et au nord. A l'ouest les américains sont bloqués à environ 7 Km de Cheb. Le 25 avril peu avant midi, ils atteignent l'hôpital au sud de la ville et en fin d'après midi, les casernes Goldberg au nord. Dans la nuit suivante, les allemands quittent la ville pour former une ligne de front allant du cimetière à l’usine d’aviation. La ville de Cheb a officiellement capitulé le 26 Avril. Le 5 mai, les troupes américaines se sont remises en mouvement vers Karlovy Vary et Pilzen.

Pendant ce temps, Eger est envahie par les prisonniers de guerre libérés, les travailleurs civils, les prisonniers des camps de concentration et ainsi que par les gens déportés en Allemagne qui revenaient chez eux. Les habitants de Cheb devaient subir la faim, la misère, les pillages et les maladies comme le typhus. Cette situation n'a pu être contrôlée avant l'arrivée des soldats tchécoslovaques à la fin de mai 1945.  Les populations civiles de langue allemandes urent à subir des  exactions de la part des tchéques avant leur expulsion vers l'allemagne. Voir à ce sujet  les récits et le livre d' Edith Bergler  sur le site :

Après sa libération, le 26 avril 1945 par les américains et son retour en France, Jean Forcet viendra à Piennes prévenir Maurice Derelle du décès de son frère Paulin.

Une pierre tombale en granit de 170 x 80 cm sera érigée en 1951 avec l'inscription :

"Aux français morts pendant la guerre 1939-1945"

Photo faite par J. Reka, historien à Cheeb qui m'a aidé dans mes recherches.

Après 1953, la pierre tombale sera déplacée au fond du cimetière de la ville

tombe des français morts à Eger 1945
ceceromie de retour des corps des français morts à Eger



Le 16 octobre 1953, les corps seront rapatriés vers leurs familles en France.

Une cérémonie officielle eut lieu en présence des responsables locaux, des enfants des écoles etc...

Voici le compte rendu qui en a été fait ce jour.



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Mise à jour: 29 06 2018

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